C’est durant Le temps d’un café que nous avons discuté d’un enjeu sociétal important en entrepreneuriat; la santé mentale de toutes et de tous.
Prendre le chemin de l’entrepreneuriat, ça apporte des défis de petites et de grandes tailles, et ce, à plusieurs échelles. Que ce soit en rapport avec les défis de bâtir une entreprise ou les défis qu’on rencontre sur un aspect plus personnel, cela peut être difficile de savoir quand s’arrêter, quand prendre le temps de respirer pour mieux avancer. Et si, l’une des pistes de solution, était de s’outiller pour mieux se connaître, pour savoir comment s’aider soi-même et pour comprendre davantage nos besoins dans les hauts et les bas du quotidien?
En parlant avec Martin Enault, président de l’organisation relief et vivant lui-même avec des enjeux reliés à la santé mentale, on a pu apprendre à connaître Martin davantage, à dresser un portrait du problème et à explorer les formes de soutien;
« Pour moi, l’entrepreneuriat a toujours fait partie de ma vie. Mon père était entrepreneur, mais aussi, c’est un mode de vie que j’ai toujours considéré intéressant. J’ai démarré ma première compagnie quand j’avais 16 ans. Ça a été, pour moi, la façon logique de me bâtir une carrière, parce que, premièrement, étant dyslexique, vivant avec de l’anxiété et de la dépression chronique, l’école était un lieu très anxiogène et très compliqué pour moi. J’avais des bonnes notes overall, mais certainement pas parce que j’étais capable de facilement suivre en classe.
Puis, j’ai traversé une réalisation que je devais créer ma propre place sur le milieu du travail, parce que les places existantes ne me rejoignaient pas vraiment. Puis, j’ai participé à Ticketpro, j’ai lancé Intellitec, la première compagnie au monde à faire du contrôle d’accès utilisateur avec des puces RFID, j’ai été le COO de C2 Montréal et partenaire dans C2 International, j’ai navigué à travers différentes industries, beaucoup de divertissement, beaucoup dans la technologie. Ce que ça m’a fait réaliser, c’est à quel point que ce que je croyais de l’entrepreneuriat n’était pas réellement l’entrepreneuriat.
Quand j’ai commencé, il y a près de 24 ans maintenant, il n’y avait pas d’incubateur comme le Centech. Puis, à mesure que j’ai vu l’industrie d’incubateurs et de gens entreprenants se créer, c’était souvent inspiré du Sillicon Valley, puis de la philosophie que tu devais avoir de l’actionnariat et d’investir à risque le plus vite possible, et, je n’ai jamais compris pourquoi. C’est là que, d’arriver au Centech et de voir la philosophie qui était déjà en place, qui est « On ne bâtit pas des startups, on bâtit des entreprises. », c’est beaucoup plus réaliste et proche de la philosophie que j’ai.
Cette philosophie, c’est d’être capable de contribuer et de bâtir un écosystème sain, qui n’est pas juste axé sur le fait d’être une personne entreprenante qui se sacrifie, qui a mal, qui ne mange pas, qui ne réussit pas à vivre et qui ne fait que détruire toute ses relations; mais bien de bâtir une entreprise avec laquelle nous sommes à l’aise, et dans un environnement sensé. »
« J’ai de la misère à donner le moment précis. J’ai commencé à avoir des enjeux de santé mentale quand j’ai commencé à penser à l’entrepreneuriat. À ce moment-là, les enjeux de santé mentale n’avaient pas encore été inventés. Il n’y avait pas vraiment d‘anxiété, on parlait de stress. J’avais des cours sur comment gérer le stress à l’école parce que j’étais en sport-études, donc ça m’a aidé un peu. Mais de comprendre réellement les symptômes physiques de l’anxiété et de la dépression, de comprendre que tu peux ne plus être capable d’avoir l’énergie, de ne plus être capable de fonctionner, d’avoir des crises de paniques dans lesquelles tu as des palpitations cardiaques sévères, que tu perds connaissance, que tu perds la vue… C’est des symptômes que je vivais. Ça m’a pris vraiment longtemps avant que je puisse comprendre. J’ai visité des urgences à travers le monde constamment, j’ai visité les urgences de Montréal très très souvent, à cause de problèmes que je croyais physiques mais, en bout de ligne, c’était des problèmes reliés à mon anxiété et à la dépression. »
« J’ai commencé à m’impliquer en santé mentale il y a 14 ans maintenant, donc ça fait quand même un bout, mais à ce moment-là, c’était plus une question de « j’pense qu’il y a peut-être un lien là-dedans. ». Puis, Guy Latraverse, qui était président au conseil d’administration chez relief, m’a invité sur le CA puis j’ai vu à travers ça que, (rire) peut-être que c’est des enjeux de santé mentale que j’ai!
Et tranquillement, à mesure que j’ai commencé à comprendre, j’ai commencé à voir aussi dans plein d’autres entrepreneur(e)s et dans mes équipes des enjeux que personnes ne savaient nommer.
Tranquillement, j’ai commencé à voir le lien. Pendant 7-8 ans, j’ai réalisé que ce n’est pas l’argent le problème qu’on a en entrepreneuriat. Oui, au début, l’argent est un de nos problèmes, mais rapidement, on n’est plus capable parce qu’on n’a pas été formé à gérer comment on est comme humain dans nos hauts et nos bas naturels, et que, si tu essayes de prétendre que ça n’existe pas (les problèmes et enjeux de santé mentale) dans une entreprise, tu crées juste un mensonge qui grossi.
Ça fait des personnalités de plus en plus narcissiques qui se cachent de plus en plus, et rapidement c’est ça qui fait couler des entreprises, plus que l’argent.
Ce que ça m’a apporté relief, à la base, c’est la compréhension de ma santé mentale, parce que tu ne peux pas juste prendre une pilule et aller mieux. Si tu n’y crois pas en ta santé mentale, il n’y a rien qui peut fonctionner. Il y a une responsabilité partagée, il n’y a pas un médecin ou un psychologue qui va te guérir tout seul. Faut que tu les aides à le faire. Pour les aider, ça te prend des outils. Ce que relief amène, c’est les outils pour être capable de comprendre comment parler de ce qu’on vie, comprendre quel est le rôle du médecin, du psychologue, du psychiatre… Comment ils peuvent aider si on leur dit comment nous aider… C’est vraiment là que relief aide le plus. On a des programmes spécialisés pour l’anxiété, la dépression, la bipolarité, l’estime de soi, des programmes pour entreprises, pour aider les gens à avoir une bonne santé mentale. relief aide à peu près 15 000 à 20 000 personnes par année en intervention et forme plus de 100 autres organismes communautaires pour leur donner des outils et des services dans leurs réseaux. »
« Pour moi, on ne devrait pas attendre un mur avant d’aller chercher de l’aide en santé mentale. Peu importe si tu as de l’anxiété, de la dépression ou autre, tu es capable d’améliorer ta qualité de vie en prenant ces réflexes à l’avance.
Déjà, pour moi, c’est de ne pas se rendre à un mur et quand on arrive à un mur, et qu’on a l’impression qu’on est tout seul, (rire) eh bien pas pantoute.
Dans la majorité des cas, quand je donne des conférences, et qu’on demande à celles et ceux de lever la main s’ils vivent avec un enjeu de santé mentale, il n’y a pas grand monde qui ne lève pas la main quand on explique ce que ça veut dire. On réalise qu’on est tellement bien entouré, peu importe notre communauté. On n’est vraiment pas aussi isolé que ce que l’on pense, et quand on en parle, c’est là qu’on réalise qu’on normalise beaucoup ce qu’on vît; parce qu’on n’est pas les seuls à le vivre. »
« Iboy il y en a beaucoup! Un moment où j’ai été embarrassé et que je suis fier de raconter maintenant… La vérité c’est qu’il y a une grosse partie de ma vie où embarrassé quotidiennement, tsé de présenter devant des gens, de parler en public, de parler de moi de quelconque façon en public, ça m’a rendu malade.
Être capable de faire ce que je fais aujourd’hui, de coacher, de présenter et tout, il y a 10 ans à peine, ça n’aurait pas été une possibilité.
Pour moi chaque moment de ma vie à ce moment-là était un moment où j’étais isolé, humilié, puis gêné. J’avais l’impression que chaque meeting que je faisais, je n’avais pas dit la bonne chose, que les gens allaient me juger différemment. Pour moi ça été une grosse partie de ma vie et non pas juste un moment isolé. »
« Pour moi, c’est vraiment de souhaiter aux gens de réaliser qu’on n’a pas besoin de vivre la vie que la société nous impose de vivre.
On vit dans tellement de non-sens aujourd’hui, qui a été créé à travers le temps par des campagnes marketing, par des gouvernements qui ont eu des priorités plus selfish que sociétales, puis on se convainc que c’est ce qui faut faire. Si on est capable de réellement vivre la vie qu’on veut vive et non la vie que les autres veulent qu’on vive, j’ai l’impression qu’on est capable d’aller vraiment plus loin et d’être beaucoup plus heureux, et c’est vraiment ce que je souhaite à tout le monde. »
Communications – Centech
Si vous avez besoin de soutien, si vous souhaitez en savoir plus ou savoir quelles ressources sont disponibles, https://cause.bell.ca/outils-et-ressources/des-ressources-daide-et-de-soutien/
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Du soutien est disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Pour les résidents du Québec, composez le 1-866-277-3553 ou consultez le site suicide.ca.
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